L'Argent de la vieille

Le 23 juin, salle Brémontier à Arès

Un film de Luigi Comencini. Avec Alberto Sordi, Silvana Mangano, Joseph Cotten, Bette Davis. 1h56. (Italie, 1972) - Comédie dramatique.

Intervenante : Elisabeth Delage,  co-responsable France-Italie Aquitaine à Andernos-les-Bains


Le synopsis. Depuis sept ans, "La Vieille", une milliardaire américaine débarque à Rome pouer jouer au "scopitone scientifico" avec des indigènes. Peppino, ferrailleur, et Antonia, femme de ménage, qui élèvent leurs quatre enfants dans un bidonville, se précipitent comme d’habitude vers sa villa avec l’espoir de gagner enfin. Elle leur avance une mise d’un million de Lires. Ses domestiques observent les parties et transmettent les informations aux habitants du bidonville proche…

Le couple perd d’abord, puis gagne 284 millions de lires. Mais la Vieille moribonde continue à jouer et gagne. Antonia accepte que Richetto « le tricheur » remplace Peppino et chacun, au bidonville, apporte sa participation. Ulcéré, errant près de la villa, Peppino sauve le « tricheur » qui s’est jeté à l’eau : ils ont tout perdu. Peppino pardonne même à Antonia, même. d’avoir perdu 300 000 de lires à crédit… Le couple hypothèque sa baraque pour rembourser la Vieille, avec l’espoir de recommencer l’année suivante. A l’aéroport, elle refuse l’argent, comme d’habitude, mais propose de le jouer et… Peppino perd! 

Une fable corrosive. Cinquante ans après, on retrouve toujours tout l'art de Luigi Comencini parvenant sur un thème aride et abstrait de la "lutte des classes" à tourner une oeuvre accessible. "L'Argent de la vieille" est certes un film éminemment "politique". L'idée du film est venue au scénariste Rodolfo Sonego d'une anecdote qu'il avait entendue: un millionnaire sillonnant le monde entier retrouvait chaque année un couple d'italiens miséreux pour faire des parties de cartes.  


Revue de presse


On en parle

Au moment du départ, Cleopatra, leur fille aînée, offre à la Vieille un cadeau qu’elle a confectionné : un gâteau empoisonné. Grossissant le trait, Rodolfo Sonego prête à Bette Davis le visage de cette vieille excentrique et à Silvana Mangano et Alfredo Sordi, celui d'Antonia et Pepinno. L'un des grands atouts du film  - bien qu'étant d'une féroce allégorie de la lutte des classes - aucun parti-pris n'est engagé. La cruauté de la vieille est clairement dépeinte mais le couple d'italiens n'est pas mieux loti avec sa soif d'argent facile.

Grâce à ses interprètes et à une critique mordante qui ne perd pas une seconde son but premier -  à savoir faire rire - , "L'Argent de la vieille" est l'une des plus grandes réussites du cinéma transalpin des années 1970.

 

Sordi et Mangano, couple gagnant. De tous les grands acteurs de la comédie italienne, Alfredo Sordi  (1920-2003) est celui qui a eu la carrière la plus longue (soixante ans), la plus prolifique ( 150 films), la plus variée: doubleur, scénariste, réalisateur, producteur et bien sûr acteur sous la direction de Fellini, Comencini, Monicelli, De Sica, Risi, Scola, Rosi... Sa carrière reflète l'histoire de l'Italie jusqu'en 1998, date de son dernier film.

En un film unique "Riz amer" de Guissepe de Santis (1949), Silvana Mangano (1930-1989) passe du statut de figurante sexy, à celui d'une actrice reconnue... et recherchée.. Elle tourne pour Visconti dans "Mort à Venise( 1971) et "Violence et passion" (1974) ainsi que "Oedipe-roi" (1967); "Théorème" ou "Le Décameron" de Pier-Paolo Pasolini; "Le Procès de Vérone" de Carlo Lizzani (1963).

"L'Argent de la vieille" lui vaudra un "David de Donatello", l'équivalent des "Cesars", après ceux obtenus pour "Le Procès de Vérone" et "Les Sorcières".


La soirée

Destins en jeu

Rencontre... enrichissante avec Elisabeth Delage à l'issue de la projection du film "L'argent de la vieille".  En fin de soirée, un  pot de "fin de saison" à réuni tous les adhérents du Ciné-club du Bassin".       Photos Jean-Louis Burési
Rencontre... enrichissante avec Elisabeth Delage à l'issue de la projection du film "L'argent de la vieille". En fin de soirée, un pot de "fin de saison" à réuni tous les adhérents du Ciné-club du Bassin". Photos Jean-Louis Burési

Tout l'art de Comencini  ruisselle  comme du bon argent et  brille dans cette alerte fable sociale sur une Italie des années soixante-dix à l'orée des funestes "années de plomb". Deux mondes antagonistes s'affrontent autour d'une partie de cartes, sur le thème aride de la lutte des classes: les riches, l'opulence, leur cynisme dans un camp; les pauvres, leur précarité chronique, des rêves lointains voire inaccessibles dans l'autre. Prédateurs, proies ou victimes d'un déterminisme social entre le peuple et le pouvoir. Le drame se joue autour d'un tapis de jeu, pour une partie de scopone, dont on sait déjà qu'il y aura autant à perdre (ses illusions) qu'à rejoindre  les rives du bonheur (tout aussi illusoire). Au delà du drame "comencinien", émerge la figure du véritable miracle italien,  celui dégagé par l'infortuné Peppino (Alfredo Sordi) à l' incroyable énergie  et à la touchante humanité. Autant de force, ce n'est plus un jeu, ni même du hasard.  A scruter le dessous des cartes, on comprend aisément que l''on n'échappe pas  à son destin, même biseauté...