Un film de Asghar Farhadi. Avec Amir Jadidi, Mohsen Tanabandeh, Fereshteh Sadre Orafaiy, Sarina Farhadi. 2h07. (Iran, 2021) - Drame.
Intervenante : Asal Bagheri
L'histoire. En prison pour dettes, Rahim, lors d’une courte permission, tente de convaincre son créancier de retirer sa plainte. Ses mensonges et une célébrité usurpée précipitent sa déchéance. À partir d’un fait-divers, le cinéaste creuse sa vision de la société iranienne en détournant la censure grâce à son talent de conteur. Distinction:Grand Prix du Festival de Cannes 2021.
Une critique voilée de la société iranienne. De film en film (« Danse dans la poussière » - 2003; « La Fête du feu » - 2006; « A propos d’Elly » - 2009; « Une séparation » - 2011; « Le client » - 2016), le réalisateur Asghar Farhadi passe au peigne fin la société iranienne. Avec « Un héros » - 2021, film dramatique à la mécanique implacable, le metteur en scène parvient une nouvelle fois à contourner la censure du régime iranien grâce à son talent de conteur.
Un scénario virtuose. Rahim ayant l’autorisation de sortir de prison pour deux jours, veut rembourser son créancier, Bahram, qui lui avait prêté de quoi monter une entreprise. Mais, son associé a disparu avec la caisse. Sa compagne lui remet un sac de pièces d’or qu’elle a trouvé dans la rue avant son incarcération. Le héros de « Un héros » est alors pris dans un engrenage infernal et victime d’une fatalité à laquelle il ne peut échapper.
Un succès critique et public. Présenté lors de la 74ème édition de la compétition cannoise (2021), « Un héros » a décroché un Grand Prix (ex aequo) et a aussi reçu le Prix de la Citoyenneté, décerné à l’unanimité ! Co-produit avec la France, ce drame a reçu un accueil particulièrement chaleureux de la critique et du public français (près de 200 000 entrées).
Asghar Farhadi, esthète, conteur, contemplateur, avant tout cinéaste, donne à découvrir la société iranienne d'un autre regard. Auréolé d'un Grand Prix au Festival de cinéma à Cannes en 2021, son film "Un Héros" constitue un éblouissant "miroir" de la glorieuse Perse. Asghar Fahadi sait filmer son vieux pays avec délicatesse, précision et esprit critique, développant une "grammaire" cinématographique déjà appréciée dans ses derniers films, tant en Iran qu'à l'étranger. Eloignées des poncifs à demeure en Occident, sa vision précise et documentée, "son sens de l'ellipse", ses images toujours en mouvement favorisent la rencontre sensible avec un pays d'Orient fait de tensions et de passions.
Arrogance? La sortie du film a valu à Asghar Farhadi de connaitre quelques déboires juridiques (toujours en cours d'instruction), non pas tant à cause de l'incontournable censure d'Etat, mais par une suspicion de plagiat, né de l'exploitation d'une histoire vraie, certes rendue publique, cependant déjà décrite dans un documentaire réalisé par un de ses étudiants en cinéma à Téhéran.
Puisé aux mêmes sources d'inspiration, le film de Farhadi n'est cependant pas une copie, comme l'assure Asal Bagheri, qui reprocherait plutôt au cinéaste une forme "d'arrogance", en n'associant pas formellement son élève au générique du film; et qui poursuit en justice le cinéaste pour obtenir une reconnaissance; A défaut de réparation morale..
Un contexte particulièrement répressif. Avec l’islamisation forcée du pays, plusieurs réalisateurs iraniens ont été contraints de prendre le chemin de l’exil (Bahman Ghobadi), tandis que d’autres ont vu leurs films bloqués par la censure (Saeed Roustayi) ou sont interdits de tournage après être passés par la case prison (Jafar Panahi, Mohammad Rasoulof). Malgré tout, certains films (« La loi de Téhéran » - 2019 ou « Le Pardon » - 2021) sont diffusés sur les écrans iraniens au prix d’une autocensure inévitable et d’un certain nombre de coupures !
"Une fenêtre ouverte". Sans obérer l'indiscutable talent du cinéaste iranien, ni même suspecter sa probité intellectuelle, ""Un Héros" reste une oeuvre majeure dans sa filmographie déjà fournie (neuf films). Farhadi sait se montrer précurseur. "Il décrit la société iranienne dans toute sa diversité. Il a ouvert une fenêtre vers la culture de la classe moyenne dans un cinéma traditionnel", éclaire Asal Bagheri. Il accorde aussi aux femmes un rôle moteur et donne toute sa dimension au sort que réserve le destin, aux hommes comme aux femmes sans distinction. En dépit - ou à cause - de l'oppression, de la "mollarchie" au pouvoir, de préceptes religieux et du modèle patriarcal dans la République islamique d'Iran. Une grande part de l'Iran en évolution. Entre bien et mal.