Comédie dramatique. De Kheiron (2015). Avec Kheiron, Leïla Bekhti, Gérard Darmon, Zabou Breitman. 1 h 42
Comédie dramatique de Kheiron. Avec Kheiron, Leila Bekhti, Gérard Darmon, Zabou Breitman. 1 h 42.
Le film. Téhéran, 1971. "Le Shah" (Alexandre Asier), aveuglé par le pouvoir, mène son pays à la débâcle. Hibat Tahib, jeune avocat plein de fougue et de conviction rejoint l'opposition et milite à ses risques et périls pour la démocratie. Mais il est arrêté et condamné à dix années de prison. Il a 25 ans. Pendant plus de sept ans, le jeune homme sera humilié et torturé sans jamais perdre son irréductible optimisme. Un optimisme et un espoir qui caractériseront Hibat durant toute sa vie. Un optimisme et un espoir qui illuminent littéralement un film emplit d'humour et de tendresse.
À
sa libération, où il est accueilli en héros, il croise la route de la belle Fereshteh (Leïla Bekhti), sa future épouse, qui ne va pas tarder à lui donner un fils. Mais la dictature du Shah a
laissé place au régime de terreur des Mollahs. Hibat s'enfoncent alors dans la clandestinité. Traqué sans relâche, il est contraint à l'exil qu'il n'accepte, un peu poussé par sa femme, qu'à une
seule condition : ce sera eux trois ou rien ! Et les voilà partis par-delà les frontières montagneuses iraniennes. Direction la France, "le pays des droits de l'homme et de la première
révolution".
Ils
vont alors tenter de se construire une nouvelle vie, à Stains en Seine-Saint-Denis, en s'intégrant de manière exemplaire. Hibat parvient à faire d'une mission locale dont le maire de Pierrefitte
lui confie la gestion un lieu d'échange, de partage et de création. Quant à Fereshteh, infirmière, elle est chargée d'éduquer les femmes de son quartier à la biologie. Et voilà que le récit,
commencé comme une satire politique évolue peu à peu vers une chronique sociale tristement encore d'actualité, sans rien perdre, à aucun moment, de sa force comique. Ni au pied des barres
d'immeubles vétustes de Stains. Et encore moins derrière les barreaux de la prison iranienne.
« Une bataille de vie ». Ce n’était pas seulement « Nous trois », mais bien « Nous tous » dans une salle Brémontier comble et passionnée pour accueillir Hibat et Fereshteh, les parents du réalisateur Kheiron, venus tout spécialement de Paris à l’occasion de la projection du premier long-métrage de leur fils. Aux nuances de conte universel, « Nous trois ou rien » oscille entre satire politique, drame familial et humour dosé. On ne saurait qu’être touché par les dialogues enlevés et le jeu des acteurs, plus encore émus par l’histoire des parents de Kheiron, persécutés par le régime du Shah d’Iran puis pourchassés par la dictature théocratique de Khomeiny et finalement condamnés à l’exil en Turquie puis en France, « le pays des droits de l’homme et de la première révolution ». Chronique familiale, combat recommencé pour « vivre ensemble », plaidoyer pour une intégration réussie, le film de Kheiron condense tout cela avec l’authenticité d’une histoire vécue. Et partagée par l’image. Du long métrage, Fereshteh, aujourd’hui grande ordonnatrice des spectacles de son fils (1), parle de performance. « Entre l’écriture et la réalisation, il s’est passé un an. Un record ». Concédant que leur fils, racontant leur propre histoire, ne leur a laissé guère de répit « durant trois mois » pour reconstituer la trame de leur destin.
Pendant le tournage au Maroc, alors que Kheiron sortait d’une longue séance de maquillage pour préparer une scène de torture et tabassage en prison, le réalisateur-acteur s’entend rétorquer par Hibat, son père : « Tu as eu besoin de cinq heures pour te préparer, pour moi, tout s’est déroulé en un quart d’heure ! »
Une « bataille de vie » pour ce couple de réfugiés iraniens qui se poursuit en France, construisant leur nouvelle vie « dans l’une des communes les plus pauvres des Hauts-de-Seine, l’un des plus pauvres de France ». Un exemple d’intégration réussie, même si l’apprentissage de la langue a été un « cauchemar ». Hibat et Fereshteh ont passé quatre décennie au cœur des cités mal aimées, respectant toutes les différences, cultivant le sens du partage et de la solidarité avec humanité et - toujours - optimisme. « Nous trois ou rien » renvoie à ces épisodes de vie, toujours d’actualité. La France et ses banlieues, l’Iran… « Un grand pays », corseté par les dictatures successives qui plie sous le poids de l’intégrisme. La très grande majorité de ses habitants aspire à la liberté, explique Hibat. Il le pressent, le régime actuel ne pourra survivre à toutes ses contradictions.
(1) Une pièce de théâtre, inspirée de l’histoire de « Nous trois ou rien » est en préparation pour un lancement en fin d’année.