Seules les bêtes

Le 19 janvier 2024, Espace Brémontier à Arès

Thriller. De Dominik Moll ( France, 2019). Avec Denis Ménochet, Laure Calamy, Damien Bonnard, Valérie Bruni-Tedeschi.

Secrets d’histoire. Une femme disparaît ; sa voiture est retrouvée sur une route qui monte vers un plateau où subsistent quelques fermes isolées. Alors que les gendarmes n'ont aucune piste, cinq personnes se savent liées à cette disparition. Chacune a son ̀ secret, mais personne ne se doute que cette histoire a commencé sur un autre continent où le soleil brûle. César de la meilleure adaptation en 2020.

Méandres. "Seules les bêtes" nous entraîne d'Afrique au fin fond de la campagne française dans les méandres d'une intrigue pour le moins complexe, qui explore la solitude des êtres à l'heure de la mondialisation. Ou comment, selon la célèbre théorie de "l'effet papillon", les actes des uns peuvent avoir des conséquences sur la vie des autres, sur deux continents différents.

Sens de l'étrange. Dominik Moll nous a habitués à ses rêveries, déviant invariablement vers le cauchemar, de "Harry, un ami qui vous veut du bien" au "Le Moine"... Avec "Seules les bêtes", le réalisateur renverse le principe actif de son cinéma, partant du roman éponyme de Colin Niel, épousant son réalisme pour y distiller très progressivement le sens de l'étrange...  Et contre toute attente, cette orientation n'a rien d'un renoncement, tant elle permet à Dominik Moll de faire montre d'une maîtrise narrative et stylistique.

Coeur noir. Au fur et à mesure que se déploie son intrigue, "Seules les bêtes" dévoile un coeur noir, aux pulsations imprévisibles et profondes. Ce qui demarre comme une recension de faits divers assez banal braque soudaint vers une poésir glauque, alors qu'un homme perdu se prend d'amour et d'affection pour un cadavre, avant de virer vers le pur romanesque, jusqu'à ce que le spectateur réalise qu'il assistait depuis le début aux prémices d'une tragédie totale, jouant avec le registre du pathétique avec une intelligence rare


La soirée

Gilles Marchand restitue le tournage de "Seules les bêtes". Photo Jean-Louis Burési
Gilles Marchand restitue le tournage de "Seules les bêtes". Photo Jean-Louis Burési

Des bêtes humaines, façon puzzle...  Dilemme amoureux,  arnaque sentimentale et pulsions meurtrières, " Seules les bêtes" de Dominik Moll intrigue, interroge. Le titre lui-même, de l'aveu de Gilles Marchand,  grand témoin de la soirée de projection, est en soi la toute première pièce d'un puzzle déroutant.  "Seules les bêtes", le titre du roman éponyme de Colin Niel, adapté au cinéma, ouvre des pistes et quelques brûlantes interrogations. Seules les bêtes...aiment?  Et s'il ne s'agissait que de bêtes tout ... bêtement humaines? 

 Les apparences sont trompeuses, les faux-semblants en chausse-trappes,  le mélange des genres assumé, le scénario lui-même est déconstruit entre cinq trajectoires et deux continents contrastés et aussi éloignés, les Causses cévenols, âpres et sauvages, le Sénégal, sensoriel, à l'activité bruyante.

 "Seules les bêtes" souffle "le chaud et le froid" revendique Gilles Marchand. Passons sur le meurtre d'une jeune femme, dont le film fera  (volontairement) l'impasse, au détriment de la morale de l'histoire et de l'intrigue policière. Après tout...

 Il s'agit d'abord des destins croisés de cinq personnages, voués à la solitude et la précarité sentimentale,  aux antipodes culturels, étrangers les uns aux autres. Chacun déroule à sa façon l'écheveau émotionnel, entrainant les spectateurs dans une étrange et dérangeante réalité. Et l'amour dans tout ça? Se reconnaitre dans le regard de l'autre. Se sentir vivant.  De chair et de coeur...

Le chaud après le froid, le drame dans la solitude rurale des Causses et la violence sociale de l'Afrique. "Le film joue sur ce besoin d'amour" souligne Gilles Marchand.


Grand témoin


Bande annonce


Rencontre avec...

 

 

Gilles Marchand, réalisateur, dialoguiste, scénariste,  adaptateur, ("Seules les bêtes").

César de la meilleure adaptation pour "La Nuit du 12 "(Dominik Moll, 2022). Trois nominations aux Césars.


Des adhérents nombreux, toutes générations confondues, ont apprécié la soirée et le partage de la galette des rois, marquant le passage de la nouvelle année
Des adhérents nombreux, toutes générations confondues, ont apprécié la soirée et le partage de la galette des rois, marquant le passage de la nouvelle année

Si la vérité (mais laquelle?) se dérobe, si le "puzzle" est escamoté de quelques pièces essentielles, si le titre reste toujours  intriguant (de l'avis de la salle), "Seules les bêtes" est au fond un  vrai-bon  film sur un voyage aux formes multiples, intérieur et aventureux. Noir et captivant.  Vous, les bêtes avez vous donc aussi une âme?