Mélodie en sous-sol

Le 17 mars 2023, 19 h 30 à la salle Brémontier à Arès

Un film de Henri Verneuil. Avec Jean Gabin, Alain Delon, Maurice Biraud. 1h57. (France, 1963) - Policier

Intervenant : Jean Serroy, universitaire, critique

Un polar classique.  Après le triomphe remporté" par "Un singe en hiver" (1962) le duo Gabin- Verneuil est reconstitué, cette fois-  sans Jean-Paul Belmondo. "Mélodie en sous-sol" est le cinquième et dernier film que Gabin tourne avec Verneuil. Cinq films, cinq succès...

Michel Audiard propose d'adapter avec son complice Albert Simonin une série noire américaine intitulée "Mélodie en sous-sol" de John Trinian. Alain Delon obtient l'insigne honneur de donner la réplique à Jean Gabin, devenue star incontestable dans les années soixante.

 

La verve d' Audiard. Les interventions du dialoguiste sont toujours savoureuses.

"Le boulot, c'est un truc qu'il vaut mieux commencer jeune. Quand tu démarres tout môme, c'est comme si t'étais né infirme: tu prends le pli, t'y pense plus (Louis Naudin, le beau frère).

 

"Quand tu m'as dit que tu étais un tocard, j't'ai pas cru mais je crois bien que c'est toi qui as raison. Faut jamais contrarier les vocations, la tienne c'est d'piquer les bicyclettes et d'balluchonner les chambres de bonnes"


Signé Verneuil. Si l'intrigue est d'un classicisme absolu, la qualité essentielle de ce long-métrage vient de la classe de la réalisation. Inspiré par Hollywood, Henri Verneuil rend hommage à ce cinéma tourné vers l'efficacité maximale. On ne peur qu'admirer le travail de mise en scène qui permet d'ailleurs de crédibiliser des pans entiers de "Mélodie". La dernière séquence d'un quart d'heure autour de la piscine - a priori difficile à imaginer sur le plan narratif - fonctionne superbement à l'écran grâce à une réalisation virtuose entièrement organisée en fonction du placement des acteurs et du jeu de leurs regards. Le suspens est ainsi porté à son comble.

Le scénario. A peine sorti de prison, Charles - un truand à la retraite - refuse de s'acheter une bonne conduite. Ce dernier décide de monter un gros "casse": le cambriolage du casino Palm Beach à Cannes. Il va pour cela s'entourer de Francis, son compagnon de cellule et son beau-frère Louis.



La soirée

Un sacré entre-deux

Avec passion et talent, Jean Serroy a restitué tout l'héritage décisif du film  "Mélodie en sous-sol" d'Henri Verneuil
Avec passion et talent, Jean Serroy a restitué tout l'héritage décisif du film "Mélodie en sous-sol" d'Henri Verneuil

Il y a son  chef d'orchestre et maître du suspens, Henri  Verneuil,  son premier violon, Michel Audiard, expert es-répliques,  ses brillants instrumentistes, Jean Gabin, chef de partition, Alain Delon, jeune soliste en liberté... "Mélodie en sous-sol" n'a rien perdu de ses qualités, soixante ans après sa sortie au milieu des écumes fumantes  de la Nouvelle-Vague. 

"Mélodie" marque la confirmation  d'un Gabin, définitivement star des années soixante, qui cède à Alain Delon ses habits d'ancien jeune premier (il est vrai d'avant-guerre).  "Gabin sort de l'ombre , non seulement en tant qu'acteur mais aussi comme personnage dans ce film de Verneuil", analyse Jean Serroy. Autant Gabin incarne ce chef de clan stoïque, voire statique, autant Delon prend toute la lumière. Voyou assumé,  séducteur étincelant, acrobate remuant, le comédien imprime rythme et mouvement à "Mélodie". Affaire d'égos mis à part,  c'est un "hold-up" (artistique) dans le hold-up (cinématographique) Ce dessein a été voulu par Verneuil et... Gabin;  " Il leur fallait un jeune, explique le critique.   Delon voulait ce rôle. Il a incarné ce que Gabin - acteur - ne pouvait plus être ou faire".


On en parle

Servie par une mise en scène maîtrisée, "Mélodie en sous-sol"  propose aussi une vision quasi-documentaire d'une France des années soixante, alors en reconstruction. Gabin en repérage pour un nouveau "coup", ne reconnait plus Sarcelles,  sa cité devenue ville-dortoir. Delon s'habille en "blouson noir" et écoute de la musique de jazz. "On dirait que Gabin n'a plus sa place dans cette France-là", commente Jean Serroy.

 Le film est lui en phase avec son temps. Immersion dans le monde de l'argent, du luxe et de la fête (Le casino Palm Beach de Cannes), hold-up audacieux qui finit à l'eau... Henri Verneuil  se  délecte de la rivalité - réelle ou fictionnelle -  entre le prometteur Delon et  Gabin quasi-sacralisé...  Une entre-deux entre hommes forts du cinéma. On apprécie pleinement ce jeu brillant, plus  encore aujourd'hui...

A la (re) découverte de "Mélodie en sous-sol". Photos Jean-Louis Buresi
A la (re) découverte de "Mélodie en sous-sol". Photos Jean-Louis Buresi

Grand témoin